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14.09.2011
INTERVIEW

Youri Djorkaeff : "Repartir de la base"

 

 

Membre du Conseil d'administration de la Fondation du Football, Président du club de l'UGA Décines, consultant télé, Youri Djorkaeff (photo) a conservé un lien étroit avec le ballon rond. Le Champion du Monde 98 fourmille de projets pour servir son sport favori.

(Interview publiée dans le numéro 34 du magazine Foot Mag)

Quel est le sens de votre engagement à la Fondation du Football ?
"Je n'ai pas hésité une seconde quand on m'a proposé d'y entrer. Cela me paraissait même un devoir en tant qu'ancien champion, père de trois enfants, issu d'une famille de footballeurs, éduqué dans une approche à l'ancienne de ce sport. La Fondation ne se contente pas de prêcher la bonne parole, elle est aussi une actrice de terrain auprès du monde amateur. J'aime beaucoup cette démarche de repartir à la base. Après avoir atteint le plus haut et le plus beau sommet du football, j'ai eu envie de partager mon expérience."

Comment envisagez-vous l'évolution de la Fondation ?
"En trois ans d'existence, elle est devenue une institution à part entière du football. Elle a pris une réelle importance car le civisme se perd dans le sport. Elle doit être un laboratoire de ce qui se passe dans les clubs. Son impact sur le milieu amateur me semble de plus en plus fort. Son vrai rôle est d'être sur le terrain. À mon avis, elle pourrait aussi se positionner comme un trait d'union entre les amateurs et les professionnels."
 
La Fondation du Football promeut le respect, la citoyenneté, la protection de l'environnement. Avez-vous toujours été sensible à ces valeurs ou vous y êtes-vous éveillé au fil du temps ?
"Quand j'étais jeune, je les avais en moi mais je ne m'en rendais pas compte. Les bénévoles et mes parents nous inculquaient également des principes de vie. Je ne me rappelle pas le nombre de victoires et de défaites de mes années de jeune footballeur. En revanche, je me souviens parfaitement du nom de mes entraîneurs et de mes partenaires de l'époque. Tout nous semblait important : avant, pendant et après l'entraînement et les matches. Mes parents m'emmenaient au stade, on prenait notre douche après avoir joué. Cette convivialité se perd. Aujourd'hui, les gamins arrivent tout habillés et repartent sitôt la séance terminée."
 
Cette réalité vous est familière puisque vous dirigez l'UGA Décines (Rhône). Pourquoi êtes-vous devenu président de club ?
"Je n'ai pas eu le choix (sourire) ! Mon grand-père a été l'un des fondateurs de ce club qui, à son origine, aidait les Arméniens arrivés en France à s'intégrer et à s'exprimer. J'essaie de remettre cette philosophie au goût du jour. Pour moi, un club est un moyen d'expression et d'insertion. C'est également devenu un outil d'éducation. Cette évolution fait peur puisqu'elle donne aux dirigeants une énorme responsabilité."
 
Comment vous adaptez-vous à ces nouvelles obligations ?
"Lors de mon arrivée il y a cinq ans, j'avais fixé comme objectif de devenir le deuxième club de l'agglomération lyonnaise. Cela mettait beaucoup de pression aux joueurs, aux dirigeants. Finalement, l'équipe première est descendue, l'UGA a failli voler en éclats. J'ai changé de politique en structurant le club autour des jeunes avec des éducateurs compétents. D'abord le club, puis l'équipe fanion. Cela fonctionne bien. De plus en plus de gamins nous rejoignent, le nombre de nos bénévoles a augmenté de 20 %. Et nous sommes montés en Divion d'Honneur cette saison (ndlr : de la Ligue Rhône-Alpes)."
 
Comme certains clubs, êtes-vous confronté à des problèmes de comportement ?
"Non, pourtant, il y a des personnages chez nous... L'UGA est une association multiraciale. Notre nom veut tout dire : Union Générale Arménienne. On ne se pose pas la question du racisme, de la violence, etc. On joue au foot. Dans une ville comme la nôtre, le club constitue un point d'ancrage  pour les jeunes et les adultes. Voilà pourquoi je veux que les parents s'impliquent. Le nombre de bénévoles et de joueurs n'a pas augmenté sur mon nom. Les Djorkaeff étaient présents à l'UGA avant le Mondial 98. Notre bonne santé s'explique avant tout par notre gestion du club. Tout en étant le plus sérieux du monde, on a instauré une ambiance familiale, avec des valeurs, un encadrement de qualité."
 
Personnellement, comment vous impliquez-vous ?
J'essaie d'être présent une fois par mois (ndlr : Youri Djorkaeff vit à New-York). Je vais voir les matches, j'essaie de ne pas trop rouspéter à la mi-temps. Quand je peux, je m'entraîne avec l'équipe première Les gars sont contents et cela me fait courir. Sinon, j'ai des relais. L'un de mes frères (Micha) joue, l'autre (Denis) est directeur sportif. Quant à mon père (Jean, ancien international), il chapeaute le tout en tant que manager général. C'est lui la figure du club."
 
Encouragez-vous les autres Champions du Monde à s'investir dans un club ?
"On en parle entre nous. Ils me posent surtout beaucoup de questions sur la Fondation qui les intrigue. Tous aimeraient participer à ce genre de programmes, qui correspond à la philosophie de France 98. J'ai l'impression que les pros veulent renouer le lien avec leur club d'origine, avec le public, avec le milieu amateur."
 
Knysna est passé par là…
"Bien sûr. Depuis le fiasco en Afrique du Sud, les gars ne peuvent plus se permettre de passer à côté des gamins sans faire un signe. Le monde amateur n'accepterait plus ce comportement. Durant ma carrière, j'ai toujours fait attention à ce qui se passait autour de moi. Mais il ne faut pas accabler les jeunes pros. Les anciens leur ont peut-être mal passé le flambeau ou n'ont pas tapé du poing au bon moment."
 
Laurent Blanc leur demande de venir parler aux Bleus. Si vous étiez sollicité, que leur diriez-vous ?
"Rien ! Seulement de me passer un ballon pour une séance devant le but. Dix centres à droite, dix à gauche et on voit qui en marque le plus ! Même à 43 ans, je pense que je serais pas mal. J'ai discuté avec Lolo. Je lui ai dit que je viendrais quand ses avants-centre ne sauraient plus marquer. Comme ce n'est pas le cas… Sérieusement, j'étais content que Just Fontaine et Maxime Bossis soient invités à Clairefontaine. C'est bien de rappeler ceux qui ont marqué l'histoire de l'Équipe de France. En tout cas, j'aime le discours de Laurent Blanc. Le virage qu'il a pris après la débâcle sud-africaine, tout en douceur, me semble parfait."
 
Aimeriez-vous devenir sélectionneur ou entraîneur ?
"J'ai toujours dit non. Mais quand je vois la passion de Lolo ou DD (Didier Deschamps), même s'ils ont pris 100 ans en peu de temps, le challenge paraît assez excitant. Après avoir été joueur, il est toujours difficile de trouver le petit truc qui te fait palpiter. Alors sélectionneur ou entraîneur, pourquoi pas ?"
 
Ou dirigeant d'un club pro ?
"Maintenant que j'ai une expérience de président amateur, ce sera plus facile ! Cette envie de travailler dans le milieu pro reste d'actualité. De moins en moins de gens du football s'occupent de clubs pros. C'est dommage. Le job est fascinant."
 
D'autant que se profile l'Euro 2016.
"Cet événement sera extraordinaire. Il va permettre au football français d'aborder un vrai virage. La Ligue 1 avait besoin de nouveaux stades et l'Équipe de France d'un défi majeur. L'Euro 2016 arrive au bon moment pour tout le monde."
 
Que faites-vous à New-York ?
"J'ai créé une fondation pour que des jeunes jouent au football. Aux États-Unis, la cotisation s'élève à 1 500 $ (ndlr : environ 1 030 euros). Le football est un sport de riches alors qu'il s'agit d'une discipline populaire, très pratiquée dans le pays. Les bourses que je propose ne sont pas forcément octroyées à des enfants qui savent jouer mais à ceux qui ont des valeurs. Je parraine cinq clubs de Manhattan (ndlr : un quartier de New-York) qui identifient les gamins à aider. On devrait se rapprocher de Red Bull, mon ancien club dans la Major League Soccer. Plus tard, j'aimerais monter des programmes plus complets avec des entraîneurs."
 
 

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