27.02.2015
Prise de parole
La laïcité, par André Comte-Sponville, philosophe, écrivain, enseignant, membre du FondaCtion

« Et dans le sport ? », demandera-t-on. La réponse minimale est la suivante : le sport fait partie de la société ; il doit donc respecter ses lois. Mais qui ne voit que le monde sportif peut et doit aller au-delà ? Le sport, quoi qu’on en ait dit, n’est pas une religion (les prétendus « dieux du stade », s’il fallait prendre l’expression au sérieux, ne seraient que des idoles, aussi trompeuses que toutes). Un stade n’est ni une église, ni une mosquée, ni une synagogue, ni un temple. Une compétition n’est pas une messe. Seule l’humanité s’y donne à voir, à contempler, à admirer. Communion ? Confrontation ? L’une et l’autre, mais tout humaines, et quelles que soient bien sûr la religion ou l’irréligion des compétiteurs ou spectateurs. C’est en quoi les valeurs du sport, à les considérer en elles-mêmes, sont essentiellement laïques ou – cela revient au même – humanistes. C’est vrai en particulier de celles que le Fondaction du football entend promouvoir : passion, respect, engagement, tolérance, solidarité… Le sport n’est pas seulement un divertissement ; il a aussi des vertus éducatives, intégratives et citoyennes. La compétition et l’égalité peuvent et doivent aller ensemble (il faut que tous aient les mêmes droits, pour que le meilleur gagne), comme l’émulation et la fraternité. École de vie et de citoyenneté, spécialement pour les plus jeunes. « Celui qui croit au ciel, celui qui n’y croit pas », comme disait Aragon, sur un terrain de foot ont les mêmes droits, les mêmes devoirs, comme les citoyens dans la Cité. Comment les laïques pourraient-ils ne pas s’intéresser au sport, au moins dans sa fonction sociétale ? Comment les sportifs pourraient-ils s’exempter de la laïcité ?